Comment savoir si un texte est généré par une IA ?

Photo of author

Par Evelyne

IA

Je me souviens très bien de la première fois où j’ai douté de l’authenticité humaine d’un texte.
C’était un article invité, envoyé par une rédactrice freelance que je connaissais depuis plusieurs années. Le mail était habituel, poli, soigné. Mais en ouvrant le document, j’ai tout de suite senti quelque chose d’étrange : aucune aspérité, aucune hésitation, aucun angle un peu personnel. Le texte se lisait facilement, presque trop.

C’était un contenu impeccable… mais “impeccable” dans le mauvais sens du terme. Celui d’une rédaction calibrée, lissée, sortie tout droit d’un générateur automatique.
Et, en tant que consultante SEO, j’en lis assez pour finir par reconnaître cette empreinte algorithmique qui finit par se répéter : un style neutre, une structure brillante mais monocorde, une logique implacable, comme si un logiciel avait voulu me prouver qu’il avait tout compris.

Ce jour-là, j’ai utilisé plusieurs approches :

  • une analyse stylistique “à l’oreille”,
  • quelques vérifications factuelles,
  • un passage dans un détecteur de texte IA (Lucide AI pour les textes francophones ou Winston AI pour les textes anglophones),
  • et surtout, un peu de recul.

Depuis, j’en ai analysé des centaines : des textes entièrement générés par une IA, des contenus co-écrits, des articles humains qui paraissaient artificiels, et même des textes IA retravaillés pour être humanisés, presque indétectables.
Avec le temps, une méthode se dégage. Elle repose autant sur l’expérience que sur des indices concrets. Pas de certitudes absolues, mais des signaux suffisamment fiables pour se faire une vraie idée.

C’est cette méthode que je vous propose ici : compréhensible, mesurée, adaptée à la réalité du terrain.

Texte IA : poser le cadre

Avant de chercher des indices, il faut clarifier ce qu’on évalue vraiment. On parle souvent de “texte généré par une IA” comme s’il s’agissait d’un bloc homogène. En réalité, les situations sont beaucoup plus nuancées.

Les zones grises : textes hybrides, assistés ou retravaillés

Un texte peut être entièrement produit par une IA, rédigé d’un seul jet via ChatGPT, Claude ou un autre modèle. Mais il peut tout aussi bien être hybride, avec des passages écrits par un humain puis reformulés, ou un plan généré automatiquement puis développé à la main. Il existe aussi les textes améliorés par IA : correction des fautes, reformulation légère, enrichissement lexical. Et enfin, les contenus artificiellement lissés, lorsqu’un utilisateur demande à une IA de “rendre le texte plus fluide” sans en changer le fond.

Pourquoi la détection parfaite n’existe pas

Pour un détecteur automatisé, tout cela se mélange facilement. Winston AI peut considérer un passage comme “probablement IA” alors qu’il ne s’agit que d’une reformulation. GPTZero peut classer un texte humain bien écrit comme “suspect”, simplement parce que le style est régulier. Quant à Originality.ai, il indique beaucoup de faux positifs.

Cette incertitude n’est pas un bug : elle est structurelle.
Un modèle de langage comme ChatGPT s’approche toujours plus de la production humaine, et un humain qui retravaille un texte IA rend l’analyse encore plus complexe.

Cela signifie une chose essentielle : vous n’obtiendrez jamais une preuve absolue.
Ce que vous recherchez, c’est une probabilité raisonnable, soutenue par des indices cohérents entre eux.
C’est là que l’analyse humaine devient indispensable.

Comment faire la différence entre un texte humain et un texte IA
Comment faire la différence entre un texte humain et un texte IA ?

Les signaux qui trahissent souvent un texte généré par une IA

L’analyse stylistique d’un texte est un exercice subtil. L’idée n’est pas de “traquer” l’IA à tout prix, mais de repérer des constantes que les IA génératives reproduisent malgré elles.

Style impersonnel et homogène : quand aucune phrase ne détonne

La première chose que je regarde, c’est le ton. Les contenus produits par une intelligence artificielle ont souvent une politesse sans faille, une neutralité bienveillante qui finit par sonner faux. On a l’impression d’un texte qui ne se met jamais en porte-à-faux, qui évite les opinions, qui reste sur un terrain familier. Le style manque d’identité. Il n’y a pas de relief, pas d’angle assumé, pas de formulation un peu maladroite. Tout est consensuel, trop consensuel.

Construction de plan trop régulière

Les modèles de langage aiment les structures régulières : phrases de longueur similaire, transition fluide d’un paragraphe à l’autre, absence totale de ruptures. Quand je lis un texte qui ne surprend jamais, même légèrement, le doute s’installe. Les humains changent de rythme, sans même s’en rendre compte. Ils accélèrent, puis ralentissent. Ils insistent, digressent, reformulent. Une IA, elle, déroule.

Des idées qui survolent le sujet sans entrer dans le concret

Les textes écrits par des IA se contentent souvent de généralités. Ils parlent d’exemples pertinents, d’enjeux importants, de solutions intéressantes, mais sans jamais plonger dans un cas réel. C’est un peu comme écouter quelqu’un qui connaît le sujet en surface mais qui serait incapable de mettre les mains dans le cambouis.

Lorsqu’un contenu évoque une statistique sans source, une “étude récente” sans date, ou un exemple tellement générique qu’il pourrait s’appliquer à n’importe quel contexte, j’ai tendance à creuser.

Un décalage avec la façon dont l’auteur écrit habituellement

Si vous connaissez la personne qui écrit — un étudiant, un collaborateur, un rédacteur freelance — vous avez déjà une idée de son style. Quand un texte s’en écarte brutalement, par la structure ou par la qualité du vocabulaire, il est normal de s’interroger. Une IA écrit différemment : plus régulière, plus conforme, parfois trop sage.

Ces indices ne sont pas des preuves. Pris isolément, ils n’ont aucune valeur.
Mais lorsqu’ils se superposent, ils dessinent un motif reconnaissable : celui d’un texte calibré par un modèle de langage, qu’il soit généré entièrement ou seulement en partie.

Utiliser les détecteurs de texte IA intelligemment

Ce que mesurent les détecteurs de texte IA

Quand on découvre des outils comme Lucide.ai, GPTZero ou Originality.ai, on pense souvent qu’ils fonctionnent comme un radar : ils “voient” l’IA dans le texte.
La réalité est beaucoup plus subtile — et bien plus fragile.

Ces outils analysent surtout des patterns de langage. Ils examinent la façon dont les mots s’enchaînent, la régularité du style, la prévisibilité des phrases, la cohérence statistique du vocabulaire… C’est très mathématique. Ils ne “comprennent” pas un texte : ils le mesurent.

Lorsque je teste un texte dans plusieurs détecteurs, j’observe souvent des variations importantes.
Un même passage peut obtenir 92 % “IA” dans Originality.ai, puis “probablement humain” dans GPTZero. Cela surprend au début, mais c’est une simple conséquence de leur fonctionnement : chaque outil calcule la probabilité que le texte ressemble à un modèle d’IA donné, en fonction de ses propres critères.

Un détecteur ne peut donc pas dire qui a écrit, seulement à quoi cela ressemble.

Pourquoi un score ne doit jamais être interprété seul

C’est probablement l’erreur la plus fréquente : croire qu’un score élevé (ou très bas) valide à lui seul une hypothèse.
J’ai vu des étudiants être accusés à tort parce qu’un détecteur leur donnait 80 % “AI-generated”, alors qu’ils avaient simplement un style très régulier. À l’inverse, j’ai vu des textes entièrement générés par ChatGPT ressortir à moins de 10 % “suspect” après quelques retouches manuelles.

Un score n’est qu’un indice parmi d’autres, et il n’a aucune valeur juridique ou académique.
Il faut l’interpréter avec prudence :

  • plus un texte est court, plus le score est instable ;
  • plus un texte a été retravaillé, plus il devient “humain” pour l’algorithme ;
  • plus un sujet est générique, plus l’IA et l’humain écrivent de manière similaire.

Je recommande toujours une approche en deux temps : analyser d’abord le style, puis utiliser un détecteur pour confirmer une impression, jamais pour en fabriquer une.

Méthode pour analyser un texte suspect

Etape 1 : commencer par le contexte, pas par les mots

La première chose que je fais en audit, ce n’est pas de lire le texte, mais de me demander :
qui l’a écrit ? pour quel objectif ? dans quelles conditions ?
Un texte produit par IA peut être parfaitement légitime : plan de cours, brouillon d’article, note interne, résumé de réunion. Avant d’examiner la forme, il faut comprendre l’intention. Cela permet d’éviter les faux-semblants et les jugements hâtifs.

Lorsqu’un texte provient d’un rédacteur habitué à écrire vite, ou d’un collaborateur qui a du mal à structurer ses idées, un contenu soudainement “parfait” mérite une lecture plus attentive. À l’inverse, un expert peut produire naturellement un texte clair et rigoureux sans que cela n’implique une intervention artificielle.

Etape 2 : repérer les zones qui méritent d’être examinées

Avec l’habitude, on sait rapidement où se logent les indices.
Ce n’est pas la peine d’étudier chaque phrase : certaines parties “sonnent” mécaniques, souvent les introductions ou les transitions. Les modèles de langage écrivent très bien ces morceaux-là, car ce sont les structures les plus présentes dans leurs corpus d’entraînement.

Quand une introduction reformule le sujet avec une élégance quasi scolaire, ou quand une transition passe d’un point A à un point B sans la moindre aspérité, je ralentis ma lecture. Non pas pour accuser le texte, mais pour comprendre comment il a été construit.
L’œil humain repère vite ce qui manque de concret.

Etape 3 : vérifier un fait, une statistique ou un exemple

Un des tests les plus efficaces est aussi le plus simple.
Je prends une affirmation précise dans le texte — une statistique, une étude, une date, une citation — et je vérifie son existence.
Les IA sont très fortes pour imaginer des contenus plausibles. Elles inventent parfois des auteurs, des chiffres, des intitulés de lois, des publications qui “sonnent juste” mais n’existent nulle part.

Quand je tombe sur une étude introuvable, ou quand une statistique est répétée mot pour mot sur d’autres sites générés automatiquement, c’est un signe que le texte repose sur une base artificielle.

Etape 4 : compléter l’analyse par une détecteur

Lorsque j’arrive à cette étape, j’ai déjà une impression. Le passage dans un détecteur de texte IA vient servir de contrepoint, pas de verdict.
Si les résultats vont dans le même sens que l’analyse stylistique, cela renforce la probabilité que le texte ait été généré ou fortement assisté par une IA.

Mais si le détecteur contredit l’observation humaine, je fais confiance à l’expérience.
L’humain voit des nuances que les algorithmes ignorent : le choix d’un exemple, la finesse d’un raisonnement, la température émotionnelle d’un texte.
Rappel : un détecteur ne “lit” rien. Il mesure.

Que faire avec un texte écrit par une IA ?

Pour un site ou un blog, enrichir plutôt que jeter

Dans un contexte éditorial, un texte généré par IA n’est pas forcément inutilisable. Ce qui pose problème, ce n’est pas l’outil, mais l’absence de valeur ajoutée. J’ai vu des contenus parfaitement propres, mais vides : des articles qui répètent ce que tout le monde sait déjà, sans un exemple, sans une nuance, sans une expérience vécue.

Contrairement à ce que beaucoup de rédacteurs pensent, ces textes ne sont pas forcément pénalisés par Google. S’ils répondent bien à une intention de recherche, ils peuvent très bien ranker dans le top 3 d’une SERP.

C’est pourquoi quand je reconnais une rédaction automatisée dans un contenu que je dois optimiser, je ne le supprime pas systématiquement. Je commence par regarder ce que je peux sauver : une structure intéressante, une bonne logique d’ensemble, un argument pertinent mais trop superficiel. Ensuite, je rajoute ce qu’une IA produit raremen : une anecdote terrain, une statistique sourcée, une observation professionnelle. C’est souvent suffisant pour transformer un squelette en article vivant.

Dans un cadre pédagogique : expliquer avant de sanctionner

Avec les étudiants, je recommande une autre approche. Beaucoup découvrent les IA génératives comme des assistants, un traducteur, un equalizer stylistique. Certains ne voient même pas l’utilisation comme un problème. Ils l’utilisent pour reformuler un passage ou pour vérifier une explication, sans se rendre compte que le texte final peut perdre son authenticité.

Au lieu d’entrer dans une logique de sanction, je suggère de clarifier les règles : ce qui est autorisé, ce qui ne l’est pas, ce qui doit être explicité. La simple consigne “mentionnez si vous utilisez un outil automatisé” peut désamorcer bien des tensions.

L’IA dans les CV et lettres de motivation : comprendre l’intention

L’IA a envahi les lettres de motivation et les candidatures. Cécile, une de mes amies responsable RH remarque que les messages deviennent plus polis, les formulations plus uniformes, les motivations plus générales. Cela ne signifie pas “tricherie”, mais changement d’habitudes.

Quand un candidat envoie une lettre extrêmement lisse, sans aspérité, cela peut trahir une signature IA. Mais ce n’est pas forcément problématique. L’important est de comprendre l’intention : a-t-il cherché à clarifier son discours ? À corriger son français ? À gagner du temps ?

Une conversation franche suffit souvent à lever le doute. Mon amie Cécile demande simplement : “Comment avez-vous préparé ce texte ?”. Les réponses sont pour elle révélatrices. L’usage d’une IA n’est pas en soi un problème : c’est l’usage sans compréhension ou sans valeur personnelle qui pose question.

Pourquoi viser l’indétectabilité n’a aucun intérêt

Il existe toute une catégorie d’outils qui promettent de faire l’inverse des détecteurs : humaniser un texte IA et le rendre “indétectable”. Ils modifient le vocabulaire, réarrangent les phrases, changent les tournures, ou appliquent ce qu’ils appellent un “humanizing layer”.
En pratique, ces astuces ne tiennent pas longtemps.

J’ai testé plusieurs de ces services par curiosité : les résultats sont souvent médiocres. Le texte perd de sa cohérence, certaines phrases deviennent bancales, et surtout, le style général reste artificiellement régulier. Les détecteurs mettent parfois quelques semaines à s’adapter, mais ils finissent par repérer les empreintes de ce type de transformation.

Le vrai enjeu : proposer un texte utile

Selon moi, ce qui compte vraiment, ce n’est pas d’échapper aux détecteurs d’IA, mais d’assumer une démarche de création de contenu.

Si un texte est entièrement généré par une IA mais enrichi par un expert, structuré par un rédacteur, contextualisé par un professionnel, il devient un contenu légitime. Ce n’est pas la machine qui fait le problème : c’est l’absence de regard humain. La transparence finit toujours par gagner.

Que l’on parle de SEO, d’enseignement ou de communication interne, les lecteurs recherchent un texte qui porte une expérience, une intention, un point de vue. Ce que l’IA propose, c’est une base. Ce qui donne de la valeur, c’est ce qu’on en fait.

Questions fréquentes à propos de la détection de texte généré par IA

Un texte généré par IA peut-il devenir totalement indétectable ?

Oui, mais seulement lorsqu’il est retravaillé par un humain qui apporte de la cohérence, du vécu, des exemples concrets et des réflexions personnelles. Une IA seule peut produire un texte propre, mais rarement incarné. Lorsqu’un utilisateur réécrit plusieurs passages, modifie le rythme, injecte des références personnelles et ajoute des nuances, la signature algorithmique disparaît pour de bon. À ce stade, un détecteur ne peut plus distinguer ce texte d’une rédaction traditionnelle, et c’est logique : il n’existe plus de frontière nette entre les deux.

Pourquoi un texte 100 % humain peut-il être classé “IA” par un détecteur ?

Les détecteurs interprètent un style, pas une intention. Un texte humain très régulier, très propre, ou rédigé dans un ton académique peut parfaitement ressembler à un texte généré par une IA. C’est particulièrement vrai dans les dissertations, les rapports professionnels, les résumés ou les contenus destinés au SEO. Dans plusieurs audits, j’ai vu des textes humains obtenir 60 à 80 % “AI-generated” simplement parce qu’ils étaient trop bien structurés. Il ne faut jamais confondre probabilité algorithmique et réalité.

Comment savoir si un texte a été partiellement généré par IA ?

Les contenus hybrides sont les plus difficiles à analyser. On repère souvent une différence subtile de rythme ou de densité entre les paragraphes : certains sont très fluides, presque trop, quand d’autres semblent plus naturels, plus irréguliers, plus personnels. L’autre indice, c’est la précision : une IA excelle dans les introductions et les conclusions générales, mais peine dans les exemples situés. Un texte où certains passages semblent “vivants” et d’autres mécaniques laisse souvent deviner une rédaction mixte.

Les IA seront-elles bientôt impossibles à distinguer d’un humain ?

Pour une partie des textes, c’est déjà le cas. Les modèles progressent si vite que la frontière devient floue. Ce qui fera la différence à long terme, ce ne sera pas la capacité à repérer l’IA, mais la capacité à reconnaître une réflexion authentique, une prise de position, une expérience vécue. Ce que les modèles n’ont pas — et ne peuvent pas avoir — c’est un vécu. Tant que l’analyse se concentre sur l’intention, la cohérence et la profondeur du propos, l’humain garde une longueur d’avance.

Les détecteurs IA peuvent-ils servir de preuve ?

Non. Aucun détecteur n’a une fiabilité suffisante pour être utilisé comme élément de preuve, et encore moins dans un contexte disciplinaire ou juridique. Ils peuvent orienter une analyse, mais jamais la finaliser. Un score élevé, même à 99 %, n’a aucune valeur sans une évaluation humaine. Les institutions sérieuses — universités, entreprises, plateformes — l’ont compris : ce ne sont que des outils d’aide, pas des instruments de sanction.